François D a écrit : ↑24 juil. 2020, 07:10
Pourtant dans ce que tu as écris ci-dessus, je bloque : je ne comprends pas ton raisonnement entre les dispositions de l'article 1 du fameux Décret n° 2016-541 du 3 mai 2016 et l'interdiction de pénétrer sur le quai (hors le cas particulier Ouigo ou des quais avec portillon).
Je ne m'attendais pas à recevoir tant de compliments
.
Et donc merci, même si je n'ai d'autre mérite que d'avoir eu la chance de m'asseoir quelques années sur des bancs d 'écoles de droit.
Ce qui ne m'a d'ailleurs pas empêché d'écrire les choses de façon un peu courte, hier soir , au point d'être difficile à comprendre, je le reconnais. Mais il était tard et j'avais sommeil...
Je recommence donc, au risque d'être un peu plus long, car chaque pas se doit de recevoir son explication, comme dans tout bon devoir de droit.
(j'ose croire qu'on me le pardonnera : je veux seulement bien faire).
Tout part de l'idée que le « ticket de quai » doit son existence
(ou la poursuite de son existence) au décret de 1942, car la rédaction de ce texte conduit à penser que celui qui veut simplement aller sur le quai pour regarder partir le train
(sans monter dedans), ne peut le faire qu'à la condition d'avoir un « titre valable » dans sa poche, et donc, pour le moins, à l'époque, un petit « bout de carton».
Mais, forcément, ce ne peut être le même bout de carton que celui qui veut « prendre le train »
(et surtout partir avec), puisque celui-là doit avoir un « titre de transport », dont on peut imaginer qu'il est différent d'un simple « titre valable ». Sinon, on voit mal pourquoi on n'aurait pas simplement demandé au « spectateur » d'avoir le même « titre » que le « voyageur » , comme c'est d'ailleurs devenu la règle, aujourd'hui, avec le décret de 2016, qui impose dans tous les cas d'avoir un « titre de transport ».
D'où la conclusion, peut-être un peu tirée par les cheveux, que l'un se devait d'avoir un « billet de de train », et l'autre un « ticket de quai », le premier donnant donc droit à monter dans le train, alors que l'autre ne permettait que de marcher sur le quai ou de dire au revoir à celui ou celle qui est dans le train.
Bien sur, tout cela se heurte au fait que le « ticket de quai » a disparu du paysage SNCF bien avant que le texte soit modifié
(je n'ai pas trouvé la date exacte). Car cela peut vouloir dire que l'explication est ailleurs, la « grande dame » ne pouvant être soupçonnée de s'accommoder de la réglementation. A moins, évidemment, qu'elle n'ait choisi de ne pas appliquer celle-ci, et donc de se priver d'une recette, au nom d'une politique de contrôle « dans les trains », « discriminatoire » et donc plus « efficace »
(les mots sont d'un sous Ministre d'il y a quelques années).
Je reconnais n'avoir trouvé aucune explication à la chose, ni en consultant les
archives SNCF, la revue générale des chemins de fer dans Gallica, ni quoique ce soit d'autre (un vrai "bide").
François D a écrit : ↑24 juil. 2020, 07:10
Où (dans quel texte ?) le quai est-il défini comme une zone nécessitant un titre de transport ? Qu'est-ce qui matérialise "juridiquement" la séparation entre une zone pouvant accueillir librement le public d'une gare et le quai ?
Je pourrais me contenter de répondre, à cette heure, que ce sont les textes eux-mêmes de 1942 et 2016, qui instituent
»des parties de la voie ferrée et de ses dépendances dont l'accès est réservé aux personnes munies d'un titre de transport ».
Mais je vois bien que la question est en lien avec ce que j'ai écrit un peu plus avant sur le domaine public, dont j'ai dit qu'il était en principe ouvert à tout le monde.
Alors, il me faut préciser, d'abord que rien n'interdit à la SNCF de rendre « payant »
(via l'achat obligatoire d'un billet) l'accès à certains endroits de ses gares, puisque cela n'empêche pas de continuer à les considérer comme des lieux ouverts au public à l'instar des musées et autre Tour Eiffel...dont l'entrée est soumise à l'acquittement d'un droit,
(tout comme les rues de nos villes restent publiques même si on y a rendu le stationnement payant... ).
C'est un peu bizarre, mais c'est ainsi qu'en ont décidé en tout cas le tribunal et la cour d'appel de Paris en 1986, dans des décisions célébrées par tous les ouvrages de droit, : un lieu est ouvert au public, s'il est
« accessible à tous, sans autorisation spéciale de quiconque, [même si] l’accès est subordonné à certaines conditions ».
Une autre raison est que l’article
R 123-2 du code de la construction et de l’habitation n'écarte pas le fait de devoir payer pour accéder au domaine public : «
constituent des établissements recevant du public tous bâtiments, locaux et enceintes dans lesquels des personnes sont admises, soit librement, soit moyennant une rétribution ou une participation quelconque…",.
D'ailleurs, même Victor Hugo n'était pas choqué que le domaine public se fasse payer
Mais, au delà de cela, c'est du, surtout, à la distinction que fait traditionnellement le droit, entre les biens publics simplement ouverts au public et ceux qui sont affectées au besoin d'un service public
(désolé, mais la répétition du mot "public" est inévitable, dans ce cas).
Pour en donner un exemple parlant, les espaces publics d'une ville sont directement à l'usage du public
(qui peut donc y circuler à sa guise), alors que les bâtiments d'un service public ne peuvent être utilisés qu'au travers de celui-ci, et dans les limites qu'il peut donc fixer. C'est ainsi que certaines dépendances de la SNCF l
(ou des musées, pour reprendre l'exemple), que les voyageurs n'ont pas besoin de fréquenter eux-mêmes pour être transportés
( les triages, postes d'aiguiillage, bureau du chef de gare, et même la « cantine » du dépôt...), peuvent leur être interdits d'accès.
D'autres lieux peuvent être payants, comme les toilettes de la gare TGV d'Avignon; ou réservés à certains voyageurs, comme les
« espaces grand voyageurs », de si agréable mémoire.
Et suivant le même principe d'affectation, les quais , eux-mêmes, peuvent n'être accessibles qu'à ceux qui ont l'intention de « prendre le train », comme c'est le cas depuis le début, dans le métro parisien.
J'ai, bien sur, "résumé" les choses, car la matière occupe des rayonnages entiers dans les bibliothèques des facultés de droit : n'oublions pas qu'on touche de près, ici, les « libertés publiques ».
J'espère néanmoins avoir assez bien expliqué pourquoi la SNCF est tout à fait en droit d'interdire l'accès de ses quais à qui n'a pas de raison « commerciale » d'y passer, ne voulant qu'aider un voyageur à installer ses bagages dans le train ou lui dire une dernier au revoir. Et qu'elle peut même aller jusqu'au bout des choses en y installant des « portes d'embarquement » pour pouvoir, comme elle le dit, mieux
"vérifier les titres de transport" ,
"réguler l’accès au quai" et faire que ses agents se consacrent
"à un service plus attentionné et personnalisé. »
C'est dit
là, en tout cas
François D a écrit : ↑24 juil. 2020, 09:19
autre "point d'interrogation".
Dans beaucoup de petites gares, le quai est maintenant une zone de "compostage" du billet voire même d'achat. Dans ces gares, le quai est donc un endroit où peuvent stationner des personnes munies d'un titre de transport et d'autres qui n'en n'ont pas.
La règle SNCF dont on parle (cf Décret), est elle une règle pour l'ensemble des établissements SNCF (je ne parle que des gares) sans distinction ou chaque gare a-t-elle son règlement intérieur qui lui permettrait d'être plus restrictive que ne le serait la règle générale.
De fait, ne pouvant interdire "physiquement" l'accès aux quais de toutes les gares, elle est bien forcée de tolérer, à mon avis, ce qu'elle ne peut empêcher.
J'imagine que comme Annie Cordy, elle "voudrait bien, mais qu'elle peut point".
(pour l'instant, si j'ai bien lu, il n'y a que 10 gares - bientôt 11 - qui sont équipées des portiques qui sont l'unique moyen d'interdire l'accès au quai).
Mais pour répondre plus directement à la question, la règle à suivre est celle du décret : pas d'accès au quai sans billet. Un règlement intérieur, s'il en existe, ne pourrait donc à mon avis rien exiger de plus, et de toutes façons rien autoriser qui demanderait moins.
Et, ce serait, dans tous les cas de figure, le ...Préfet qui déciderait.